La compagnie Oposito


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Visions du mercredi 13 juin

 Vision 3

Avant Trottoirs.
L’arche de Noé sans le déluge. Il est 14h30, presque. J’embarque dans la voiture avec Katell.
Les deux semi-remorques s’ébranlent doucement avec les grands jouets d’Afrique. Oiseaux, poupées, masques-tambours, grands visages mystiques d’antiques figures inspirées.

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Deux motards ouvrent la route. Nous allons tout doucement. Un petit camion de 20m cube avec les deux petites poupées.
Nous partons déposer les trésors dans les cachettes de la ville.
Les gens nous regardent dans le cadre de leurs portes en briques.
Là, ça décharge. Vérifier la lumière sur les engins, la petite casse du transport.
Deux camions blancs 20m cube aussi, double le convoi, c’est tout se qui part pour la grande case, les bâtons de feu, le brasero.
C’est un convoi exceptionnel, un instant exceptionnel, un moment que je n’avais jamais vécu comme comédienne de Trottoirs, enfin je vois ce grand préparatif. Et puis, il y a Katell. Elle me raconte : « j’adore la régie technique, les camions, tout s’organise. Que tout soit prêt. Au bon moment. Au bon endroit. » On s’arrête. Là, c’est Olivier qui parle « Vous raccrochez le camion qu’est devant ».
Tintin est sur le plateau du semi en pleine circulation. Il dit qu’il galère pour trouver une femme qui dormirait là haut, sur la queue du scorpion avec lui. C’est qu’ils sont fous les gars d’Oposito !!!
On dirait perché.
Le spectaculaire commence là !! Avant la nuit et la lumière des rubis. C’est là en plein Amiens, en plein quotidien, en plein dans la ville !!! Une planète se prépare à faire décoller le cœur du public. Un vaisseau très spécial. Pour un envol en plein ciel de nuit. Oposito se prépare.

 Vision 4

Les portes-chars, les semis s’appellent LORSITRANS. Transe. Encore.
Transport. Transformation. Transe. Traversée.
La ville circule. Et eux, attentifs, muscles tendus, ils vont cacher les animaux dans la ville, cacher les animaux aux yeux des passants, les bâcher, les voiler pour que tout soit prêt pour embraser les regards.
Bruit métallique des boulons, cliques des clés hallènes. Tu mets où les sangles ?
Bruits de talkis. Klaxons. On descend le scorpion. Ils sont huit, arc-boutés pour amortir l’immense animal de métal. Reste dans l’axe. On laisse partir le cul à droite. On continue, On continue. Même position. On décharge rue des Hautes cornes (oui !! oui !!) c’est vraiment le nom de la rue. Les enfants bouche bée aimeraient bien rester pour voir ça mais papa est pressé. Ils repartent. Le papa baisse la tête. Les enfants se retournent. A cette nuit ?
La girafe, les oiseaux, le bleu, la crête en moins (c’est vissé normalement donc ça a pas été vissé ?). Le crocodile fait son entrée en demi-tour rue du Hocquet.
On cache tout. On bâche. Œuvres voilées attendant la nuit pour révéler leur beauté d’œuvre. Mirages a besoin de la nuit !! Il est 16 heures.

 Vision 5

Trottoirs.
Quelques heures avant le spectacle. Sortie du catering. Les comédiens se rassemblent. Sirènes dans la ville. Bruits de vaisselle. Le moteur du bus tourne. On y va ?
Ils sont tous au hangar. Un vol de grues, plus petites que les hérons et les hérons sont solitaires, passent au-dessus de la Maison de la Culture d’Amiens. Le ciel chargé de nuages.
Au Burkina Faso, en Afrique de l’Ouest, c’est un bon présage un vol de grues. Souvent les enfants regardent le ciel, les petits bergers peuls notamment.
Les présages, tableaux de la nature pour lire nos états d’âme.
Nos états d’âme quêtant des réponses dans les signes de la nature. Des réponses ou des larmes de questions. Dans la ville aussi, tout peut devenir signe. Oposito signe la ville.

 Vision 6

Dans les loges. Silence. Maquillage. Métamorphoses. La tribu accomplit son rituel d’argile et de couleur. Coiffes. Ils deviennent des créatures pour l’émotion de l’africaine en photo sur le mur. Ils sont inspirés, concentrés pour le marathon qui les attend ce soir.
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Dernier point avec Jean Raymond et Martine. Contrôle des talkis. La nuit se glisse tendrement sur le parking pour protéger leur fuite.
Ils sont devenus guerriers, enfants des rues de Bamako, Rois à cheval de l’Empire Mandingue.
Ils viennent du ventre de l’Afrique et la terre dessine leurs nouveaux
visages. Le bus fonce, escortés par des motards fous et exaltés par la situation. Didier et moi, nous pensons au même moment qu’un africain est sûrement embarqué dans un charter. Les ancêtres doivent en rire aussi, là bas, si loin. Oposito va raconter cette traversée de frontières, de temps et d’espace. Il est 22h. Départ du spectacle à 22h33.

 Vision 7

Les hommes aussi sont cachés dans leur cage de poliane, comme les œuvres. Ils sont désormais les œuvres humaines qui, à 34, vont contruire d’autres œuvres dans la ville.
Déambulatoire majestueux ! Dernier contrôle talki. Déclenchement de rubis. Fumée. Lumière. Ombres. Cliquetis des tôles. C’est parti et ça ne peut plus s’arrêter !!
Ils marchent, chancelants, incertains. Personne dans la rue. Ils sont où les gens ? Trois adolescentes gloussent. Cris. Ce sont des fantômes !!!
Eux ils avancent. Quoi qu’il arrive, ils avancent.
J’ai le cœur qui bat. J’ai le trac pour eux et je vais voir tout ce que j’ai rêvé de voir depuis que j’ai participé à cette création en 2001 à Morlaix. J’ai cinq ans et demi. Cathédrale. Ombres sur les murs. Au talky, j’ai aussi la bande son secrète du spectacle, celle qui raconte la fabrication en direct. Eclairage. Tops. Son. Recule, recule, je veux des ombres, plus grandes les ombres. Les ombres, elles clignotent aussi, au rythme du chœur, celui de la tribu en marche et qui phase le public quand elle fonce pour construire sa case de tôle. Case de tôle. Je fonce dans la foule. Tiens ça c’est fou ? Ils sortent d’où les gens ? Visages peints cadrés de métal et un prêtre en capuchon, sans visage officie un rituel dans une agitation bizarre. De dedans on est au village, au marché, ce qu’on voit dehors, c’est un rituel vaudou. Là, j’ai plus de talky et je pleure. De quoi je pleure ? En fait je ne pleure pas, je suis sidérée de tous les films possibles quand on change de point de vue.

Je cours derrière la tribu en marche de feu. Mon but, voir le départ des poupées. J’arrive et là, comme des enfants en embuscade, les techniciens tendus, immobiles, silencieux, aux aguets et Jonathan avec sa boîte magique. La boîte de 4 top pour la synchro des musiques de chaque poupées. Ordre. Cà part. Et Jonathan très anglais dans le feu : « Non, non attends, attends (les 6 ne sont pas syncro). Il n’entend pas le bip commun pour que rien ne se décale. Et là, c’est bon. Fermer les jupes ! Décâblez !! Bruit des robes des poupées, 6 câbles qui surgissent des robes et là c’est parti !
Elles chantent ensemble !! C’est chaque fois une petite victoire. Mais on ne la fête pas. C’est le travail. Le travail accompli. C’est le public la fête. Les enfants qui courrent.

vendredi 22 juin 2007


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